Selon la Convention relative aux Droits des enfants, « l'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité … ». Cependant, au Niger, des millions d’enfants demeurent privés de ce droit fondamental. Même à Niamey, la capitale du pays, où l’enregistrement des naissances à l’Etat civil est plus aisé grâce aux différents mécanismes mis en place, certains parents tardent à récupérer les actes de naissance de leurs enfants pour des raisons différentes.
Des parents attendent que le besoin se fasse sentir pour retirer l’acte de naissance de leurs enfants
Pour Ousseini Ibrahim, un revendeur, après l’enregistrement de l’enfant à l’Etat-civil à sa naissance, le retrait de l’acte de naissance n’est pas une urgence. « Pour nous qui ne sommes pas des fonctionnaires de l’Etat, c’est généralement au moment d’inscrire l’enfant à l’école ou lors de son passage aux examens qu’on nous exige son acte de naissance, c’est pourquoi nous ne sommes pas pressés pour le retrait du document », a indiqué le revendeur. « Au moment opportun, on fait le nécessaire pour obtenir l’acte de naissance de l’enfant », a affirmé Ousseini Ibrahim.
De son côté, plus de six mois après, Issa Djibo n’a pas encore retiré l’acte de naissance de sa fille dûment enregistrée à la naissance. « C’est par pure négligence que je tarde à récupérer l’acte de naissance de mon enfant », a laissé entendre Issa Djibo. « L’Organisation pour laquelle nous travaillons s’est récemment cessé ses activités au Niger, avant c’était juste pour la prise en charge au service que je retirais promptement les actes de naissance de mes enfants, maintenant comme l’usage n’est pas immédiat, je n’ai pas encore retiré l’acte de naissance de ma fille née récemment », a-t-il ajouté.
La lenteur administrative, une autre entrave à la délivrance des actes de naissance
Pour certains, c’est plutôt au niveau du service d’Etat-civil que le retrait pose problème. C’est le cas de Koudizé Amadou qui, après plusieurs va-et-vient n’a pas encore obtenu les actes de naissance de ses deux enfants récemment accouchés par ses deux épouses. « A chaque fois que je me présente au niveau du service de l’Etat-civil où je dois retirer les actes de naissance de mes enfants, on me notifie que les documents ne sont pas encore signés, j’ai fait au moins cinq passages là-bas », a indiqué Koudizé Amadou. « Dans ce quartier, nous sommes plusieurs à être dans cette situation », a-t-il témoigné. Pour sa part, Soumana Idrissa qui a également effectué plusieurs passages au service de l’Etat-civil sans parvenir à retirer l’acte de naissance de son enfant, a soutenu qu’il y a des agents qui bloquent sciemment la délivrance des documents au niveau dudit service, espérant avoir de pourboire. « Sinon comment expliquer qu’une simple signature prennent autant de temps ? », s’est-il interrogé. « En tout cas, moi, je préfère dépenser le pourboire dans le carburant pour effectuer les va-et-vient », a-t-il ajouté avec humour.
Quant à Sidikou Soumana, il a pu obtenir l’acte de naissance de son enfant avec moins de difficultés que ses camarades. « J’ai obtenu le document de mon enfant à mon deuxième passage au service de l’Etat-civil. Au premier passage, on m’a dit que l’Agent de l’Etat-civil a voyagé et on m’a indiqué la date de son retour. A la date indiquée, dès mon arrivée, on m’a remis l’acte de naissance », a affirmé Sidikou Soumana.
Le retrait des actes de naissance, une tâche exclusivement réservée aux hommes ?
Selon Gambi Hassane, ménagère résidente d’un quartier périphérique de Niamey, c’est généralement le père qui se charge du retrait de l’acte de naissance de l’enfant. « Comment peut-on impliquer la femme dans de telles tractations ? », s’est-elle demandée. « J’ai six enfants, parmi eux, seule la fillette de quinze mois n’a pas encore d’acte de naissance, à chaque fois c’est leur père qui part chercher le document, je ne sais même pas quand il le récupère et combien il dépense pour l’obtenir », a-t-elle affirmé en souriant. « Même si la femme et le mari ne sont plus ensemble, c’est à l’homme d’aller chercher l’acte de naissance de son enfant », a ajouté Gambi Hassane. De son côté, Fatchima Inoussa a également soutenu que quelle que soit la circonstance, la femme n’est pas obligée de se présenter personnellement au service de l’Etat-civil pour retirer l’acte de naissance de son enfant. « Mon dernier enfant n’avait même pas deux mois quand son père est décédé. Mais lorsqu’on a eu besoin de son acte de naissance pour la constitution du dossier de Conseil de famille, c’est un de mes petits frères qui était parti retirer le document », a expliqué Fatchima Inoussa.
Rappelons que la Campagne ‘’Hakin Yara’’ a été officiellement lancée le 28 juin 2024 à Niamey, en vue de susciter dans l’ensemble du pays, une prise de conscience pour une déclaration systématique des faits de l’état-civil dont l’enregistrement des enfants dès à leurs naissances. A travers cette longue campagne en faveur du droit de l’Enfant à l’identité juridique mise en œuvre par le Fonds des Nations-Unies pour l’Enfance (UNICEF) et la Direction Générale de l’Etat-Civil, des Migrations et des Réfugiés (DGEC-MR) du Ministère de l’Intérieur, il s’agit, surtout, de déclarer et enregistrer au moins un million d’enfants à l’Etat-civil et à délivrer au moins un million d’actes de naissance des enfants d’ici fin 2024.
Boubacar Hamani LONTO