Pratiqués par plus de 85 % de la population au Niger, l’agriculture et l’élevage constituent les principales activités économiques de notre pays. Cependant, la cohabitation entre ces deux catégories d’acteurs ruraux est souvent entachée de conflits, les uns plus dramatiques que les autres. En effet, les conflits entre agriculteurs et éleveurs qui interviennent généralement pendant la période hivernale, se soldent parfois d’importants dégâts matériels et même de pertes en vies humaines. Par ailleurs, ces conflits ébranlent fortement les fondements de la cohabitation pacifique entre les communautés et effritent considérablement la cohésion sociale. Ainsi, en ce moment où la campagne agricole s’installe progressivement dans notre pays, il s’avère nécessaire de mettre en branle les mécanismes de prévention et de gestion des conflits entre ces acteurs ruraux, aussi bien au niveau national que local. En la matière, votre Journal s’est intéressé au cas de la Commune rurale de Fabidji où les autorités se sont fixé l‘objectif « zéro conflit entre agriculteurs et éleveurs en 2023 », un objectif combien important pour la paix et le développement dans cette Commune du département de Boboye, région de Dosso, qui réunit plus de 55.000 habitants. Dans l’interview qu’il nous a accordée à cet effet, le Maire de la Commune Rurale de Fabidji, M. Amadou Seyni Amadou, a évoqué, entre autres, les initiatives locales et la contribution des différents acteurs pour atteindre cet objectif. Lisez plutôt :
Le Matinal : - Qu'est ce qui provoque généralement les conflits entre agriculteurs et éleveurs dans la commune rurale de Fabidji ?
Maire CR Fabidji : - Les conflits entre agriculteurs et éleveurs sont principalement dus aux dégâts champêtres. Ces conflits naissent seulement pendant la saison hivernale et connaissent leur pic au moment de la descente des animaux dans la zone agricole. Cependant, les agriculteurs et les éleveurs vivent en paix et entretiennent des bonnes relations pendant toute la saison sèche.
Le Matinal : - Nous sommes au seuil de la saison hivernale, quelles sont les mesures que vous avez prises en amont pour prévenir ces conflits ?
Maire CR Fabidji : - D’abord, nous avons tenu à cet effet, une session de notre Cadre de Concertation Communale qui regroupe tous les acteurs notamment les producteurs, les jeunes, les femmes, les Associations de la Commune rurale de Fabidji, sur la thématique : « Coexistence pacifique entre les différents producteurs locaux ». Cette rencontre a permis aux agriculteurs et aux éleveurs d'échanger franchement sur les causes réelles des conflits et de proposer eux-mêmes des pistes de solutions. Aussi, nous avons tenu une réunion d'échanges avec tous les Rouga (Chef des éleveurs) et Garso (Chef des éleveurs transhumants) de la Commune sur nos objectifs par rapport à l'hivernage 2023. Pour atteindre notre objectif de zéro conflit en 2023, nous avons souhaité et obtenu des Rouga et Garso d'être aux côtés des éleveurs transhumants afin de mieux déceler leurs difficultés et d'y apporter des solutions rapides. Nous avons eu également des rencontres avec les Associations des agriculteurs et éleveurs, ce qui a permis de dresser le bilan de 2022 et d'échanger sur les objectifs de 2023. Notons qu’en 2022, la Commune rurale de Fabidji n'a connu aucun conflit majeur entre agriculteurs et éleveurs et cela, grâce aux respects des engagements pris par les différents acteurs de la Commune. Nous profitons de cette tribune pour remercier hautement tous ces jeunes, femmes, Chefs de village et leaders religieux qui nous ont conseillé et accompagnés dans la mise en œuvre des engagements de 2022. Pour 2023, des mesures ont été prises pour consolider les acquis et pour mettre en application les recommandations de nos différents Cadres de Concertation.
Le Matinal : - Quels sont les atouts favorables à la cohésion entre agriculteurs et éleveurs dans votre Commune ?
Maire CR Fabidji : - La Commune rurale de Fabidji dispose de plusieurs atouts favorables à la cohésion entre agriculteurs et éleveurs, parmi lesquels nous pouvons citer : le cousinage à plaisanterie qui constitue un béton solide unifiant les différents ethnies de la Commune, je pense actuellement à la relation Zarma-Touaregs, Maouri-Peuls ou Gourmantché-zarma. Mieux, à Fabidji, nous avons même des villages cousins, c'est le cas de Tchankardji-Fabidji, Torombi-Tchankardji, et Sirakatoune-Birniel. Ce cousinage à plaisanterie permet de concilier aisément les agriculteurs et les éleveurs ; l'existence et l'implication des leaders religieux et Chefs traditionnels dans la résolution des conflits ruraux notamment entre agriculteurs et éleveurs. Et enfin, le rôle joué par les Organisations paysannes, surtout les Associations des éleveurs, des agriculteurs et des femmes, constitue un atout majeur pour la Commune rurale de Fabidji dans la résolution des conflits.
Le Matinal : - Quels sont les mécanismes que vous avez mis en place pour renforcer la cohésion entre ces acteurs ?
Maire CR Fabidji : - Les mécanismes que nous avons mis en place pour renforcer la cohésion entre agriculteurs et éleveurs sont : la tenue des sessions du Cadre de Concertation Communale ; l’organisation des caravanes de sensibilisation au début et à la fin de chaque saison hivernale ; la formation des Chefs de village et les leaders religieux sur les mécanismes de gestion et de prévention des conflits ruraux notamment le cas des dégâts champêtres et de la fourrière ; des séances de sensibilisation à travers les radios communautaires Marhaba et radio Goubey.
Le Matinal : - Avez-vous un appel à lancer à l’endroit des différents acteurs, dans le même ordre d'idée ?
Maire CR Fabidji : - Evidemment, nous avons un appel à lancer à l'endroit de chaque catégorie d’acteurs. Ainsi, aux agriculteurs, nous demandons de ne pas défricher ni semer les espaces pastoraux tels que les aires de pâturage et les couloirs de passage. Aux éleveurs, d'éviter de confier la garde des animaux aux mineurs, ce qui provoque des dégâts champêtres. Nous demandons également aux éleveurs de respecter les périodes d'ouverture et de fermeture des champs. Quant aux autorités coutumières et religieuses, nous tenons d’abord à les féliciter pour l'excellent travail abattu à travers la sensibilisation permanente à laquelle ils se sont employés pendant les hivernages passés. Et nous souhaitons de leur part, un renforcement des séances de sensibilisation à travers des prêches ou lors des cérémonies, sur les bienfaits de la coexistence pacifique entre agriculteurs et éleveurs.
Par ailleurs, nous souhaitons de l'Etat et des Partenaires Techniques et Financiers (PTF), non seulement le balisage de nos différentes aires de pâturage et des couloirs de passage mais aussi l'aménagement des aires de pâturage. En effet, la Commune rurale de Fabidji dispose d'importantes aires de pâturage et couloirs de passage, mais ces ressources pastorales sont fortement dégradées.
Propos recueillis par Boubacar Hamani LONTO