Economie : Comment se partage le pétrole du Niger ?

Image d'illustration Image d'illustration Autre Presse/DR

Le Niger, en tant que pays en voie de développement, doit capitaliser sur ses ressources naturelles pour financer son développement. Parmi ces ressources, les revenus issus du secteur pétrolier sont particulièrement importants. Cet dossier explore les mécanismes complexes de l'industrie pétrolière nigérienne, en mettant en lumière les défis et les opportunités pour optimiser les revenus pétroliers du pays.

Comprendre l'industrie pétrolière au Niger

L'industrie pétrolière au Niger est un secteur clé, dont la chaîne de valeur s'étend de l'exploration à la commercialisation. Chaque phase de cette chaîne implique divers acteurs et interventions qui déterminent la rentabilité et l'efficacité du secteur. La chaîne de valeur se divise en quatre grandes phases à savoir : l'exploration, la production et le transport, le raffinage, et la commercialisation.

L'exploration consiste à rechercher des gisements de pétrole exploitables, tandis que la production et le transport impliquent le forage des puits et l'acheminement du pétrole brut. Le raffinage transforme le pétrole brut en produits finis comme l'essence et le gasoil, qui sont ensuite commercialisés à l'intérieur du pays et à l'étranger.

Chaque phase de cette chaîne implique plusieurs intervenants, notamment des sociétés chinoises comme la China National Petroleum Corporation (CNPC) et ses filiales, ainsi que des entités locales telles que la Société Nigérienne des Produits Pétroliers (SONIDEP). Ces sociétés jouent un rôle déterminant dans l'exploitation et la gestion des ressources pétrolières du Niger.

Les acteurs clés de l'industrie pétrolière nigérienne

La CNPC-NP, une filiale de la China National Petroleum Corporation, est le principal acteur de l'industrie pétrolière au Niger. Elle est responsable de l'exploration, de la production, et du transport du pétrole brut via un pipeline reliant Agadem à Zinder. La CNPC-NP finance entièrement les coûts pétroliers, ce qui lui confère une part importante de la production.

La Société de Raffinage de Zinder (SORAZ), inaugurée en 2011, est détenue à 60% par la CNPC-NP et à 40% par l'État du Niger. La SORAZ joue un rôle central dans le raffinage du pétrole brut pour produire des hydrocarbures destinés à la consommation intérieure et à l'exportation.

La SONIDEP est chargée de la commercialisation de la moitié (50%) des produits pétroliers raffinés par la SORAZ. La SORAZ en fait autant mais uniquement à l’export. La SONIDEP vend la part des produits qui lui revient aux marketeurs locaux ainsi qu'à des clients sous-régionaux.

L’analyse du cas 2020...

L'industrie pétrolière est l'une des principales sources de revenus pour l'État du Niger, mais la complexité du partage des profits entre le pays et les investisseurs étrangers, notamment la China National Petroleum Corporation (CNPC), soulève souvent des questions sur l'équité de ces arrangements. Cet article se penche sur le mécanisme de partage des revenus pétroliers, en prenant l'année 2020 comme cas d'illustration, afin de clarifier comment les profits sont répartis entre l'État nigérien et la CNPC.

Le contexte du partage des revenus

La logique derrière le partage est que chaque partie doit être rémunérée proportionnellement à ses investissements et à sa contribution dans le projet pétrolier.

Les étapes du partage de la production

Le processus de partage des revenus pétroliers se déroule en plusieurs étapes successives :

  • Prélèvement de la redevance ad-valorem: Avant tout partage, 12,5% de la production totale de pétrole brut est prélevé par l'État du Niger en tant que redevance. Ce prélèvement est réalisé sur la production brute, c'est-à-dire avant toute autre répartition des profits.
  • Coût Pétrolier (Cost Oil): Après le prélèvement de la redevance, la production nette est divisée en deux parties : 70% pour le remboursement des coûts pétroliers (Cost Oil) et 30% pour les bénéfices (Profit Oil). Les coûts pétroliers incluent les dépenses liées à l'exploration, la production, et le transport du pétrole, qui sont principalement assumées par la CNPC. Sur ces 70%, 85% sont alloués à la CNPC pour rembourser ses investissements, tandis que 15% reviennent à l'État.
  • Bénéfice Pétrolier (Profit Oil): Les 30% restants, désignés comme Profit Oil, sont également partagés entre l'État et la CNPC. Cependant, avant ce partage, 40% de cette part est prélevée sous forme de Tax Oil, un impôt direct payé à l'État. Les 60% restants sont ensuite répartis selon la même proportion : 85% pour la CNPC et 15% pour l'État.

Cas d'illustration à la situation présentée en janvier 2020

Pour illustrer ces mécanismes, prenons l'exemple de la production de pétrole brut du mois de janvier 2020. Durant ce mois, la production totale a atteint 528 879,71 barils, avec un prix moyen de 43 dollars par baril. Cela se traduit par une valeur totale de vente d'environ 14 099 933 068,60 FCFA (en tenant compte d'un taux de change de 620 FCFA pour 1 dollar).

Étape 1 : Prélèvement de la redevance ad-valorem

Sur la production totale de 14,1 milliards de FCFA, 12,5% sont prélevés au titre de la redevance Ad-Valorem, soit environ 1,76 milliard de FCFA qui reviennent directement à l'État du Niger.

Étape 2 : Partage du coût pétrolier

Le solde après redevance, soit environ 12,34 milliards de FCFA, est ensuite réparti. Sur ce montant, 70% (environ 8,64 milliards de FCFA) sont alloués au remboursement des coûts pétroliers. De cette somme, la CNPC reçoit 85%, soit environ 7,34 milliards de FCFA, tandis que l'État du Niger reçoit 15%, soit environ 1,29 milliard de FCFA.

Étape 3 : Partage du profit pétrolier

Les 30% restants de la production nette, soit environ 3,7 milliards de FCFA, constituent le Profit Oil. Avant le partage, 40% de cette somme (environ 1,48 milliard de FCFA) est prélevé sous forme de Tax Oil, directement alloué à l'État. Le solde, environ 2,22 milliards de FCFA, est ensuite réparti entre la CNPC et l'État du Niger : 85% pour la CNPC (environ 1,89 milliard de FCFA) et 15% pour l'État (environ 333 millions de FCFA).

Résultats du partage

En fin de compte, sur la production totale de janvier 2020, l'État du Niger a perçu environ 4,87 milliards de FCFA, ce qui représente environ 34,55% de la valeur totale de la production. Ce montant inclut les redevances, les parts de Cost Oil, les parts de Profit Oil, et la Tax Oil.

En revanche, la CNPC, avec une part de 64,45%, soit environ 9,23 milliards de FCFA, reste le principal bénéficiaire de la production pétrolière.

Les Défis et opportunités pour l'État du Niger

Actuellement, l'État nigérien ne perçoit en moyenne que 11,55% de la production totale de pétrole en termes de profit, et 23% en termes de taxes et redevances. En revanche, les investisseurs (CNPC et OPIC) perçoivent 64,45% de la production totale, dont 52,06% est dédié au remboursement des coûts pétroliers.

Le mécanisme de partage, bien qu'encadré par un contrat clair, soulève des questions sur l'équité de la répartition des revenus. Alors que la CNPC récupère une large part des profits, l'État du Niger, en dépit des taxes et des redevances, ne reçoit qu'une fraction relative de la valeur totale produite. Cette situation met en lumière la nécessité pour l'État de réévaluer ses contrats et de considérer des mesures pour améliorer sa part des revenus, notamment en menant des audits indépendants pour s'assurer que les coûts pétroliers déclarés par la CNPC sont justifiés.

De plus, une fois les coûts pétroliers totalement amortis, la part de l'État devrait augmenter significativement, passant potentiellement à 55,38%, ce qui représenterait des recettes additionnelles d'environ 3 milliards de FCFA par mois, estiment les experts en fiscalité pétrolière. Cette perspective souligne l'importance d'une gestion rigoureuse et d'une vigilance accrue dans le suivi des opérations pétrolières.

Les mesures à envisager pour une optimisation des revenus

Pour améliorer les revenus pétroliers, il est important de renforcer les mécanismes de suivi et de contrôle des activités pétrolières, tant en amont qu'en aval, pour assurer une meilleure transparence et une gestion optimale des ressources. L'État doit également envisager une révision des accords contractuels avec les investisseurs pour obtenir une part plus équitable des revenus pétroliers, en particulier une fois les coûts pétroliers amortis.

En attirant d'autres partenaires internationaux dans le secteur pétrolier, le Niger pourrait réduire sa dépendance vis-à-vis de la CNPC et renforcer sa position dans les négociations contractuelles. La mise en place d'un audit indépendant pour évaluer les coûts pétroliers déclarés par les investisseurs est une étape cruciale pour garantir que l'État reçoit sa juste part des revenus.

Ces mesures permettront de financer davantage de projets de développement et de renforcer la souveraineté économique du pays. Le Niger doit donc s'engager résolument dans cette voie pour assurer une gestion transparente et équitable de ses ressources naturelles.

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Last modified on Sunday, 25 August 2024 03:29

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Le matinal 2 décembre 2022

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