L’Assemblée Nationale nigérienne a adopté le texte du nouvel hymne national dénommé « L’honneur de la patrie », le jeudi 22 juin 2023, en séance plénière de la première session ordinaire au titre de l'année 2023. Il s’est agi pour la Représentation nationale de modifier l'article premier de la Constitution pour remplacer « L'hymne national » par « L'hymne de la République » et « La Nigérienne » par « L'honneur de la patrie », conformément aux dispositions de l'article 173 (nouveau) de la Constitution du 25 novembre 2010. De l’avis de nombreux citoyens, une importante étape vient d’être franchie dans l’affirmation de la souveraineté nationale au Niger.
L’écroulement d’un puissant symbole de la colonisation
Rappelons que l’ancien hymne national du Niger dont les paroles ont été écrites par le français Maurice Albert Thiriet, a été adopté en 1961, soit un (1) an après l’indépendance du pays. Ce qui explique certains passages de « La Nigérienne » tels que « Soyons fiers et reconnaissants de notre liberté nouvelle », entre autres. Selon plusieurs observateurs, « La Nigérienne » ne répondait plus aux aspirations patriotiques des nigériens. Moins représentatif des traditions du pays, l’ancien hymne national était plutôt perçu comme un subtil ferment de complexe du colonisé dans l’esprit de la jeunesse nigérienne, une pernicieuse entrave à une prise de conscience patriotique, notamment chez les jeunes générations qui auront plus tard le pays à leur charge.
« L’hymne qu’on apprenait aux enfants à l’école leur rappelle dès à bas âge que leur pays était colonisé, ainsi ils ne manqueraient pas de développer dans l’avenir un complexe quelconque par rapport à cette histoire douloureuse vécue par leurs grands-parents », a estimé Ismaël Ali, un jeune lycéen. Pour Adamou Chaibou, un enseignant de l’Education de base, le remplacement de « La Nigérienne » était un impératif. En effet, « un symbole de la République n’est pas censé être taché d’empreintes coloniales », a affirmé Adamou Chaibou. « De telles taches ralentissent l’émergence d’une génération de patriotes », a-t-il ajouté. « On a passé tout notre temps à chanter : ‘’Debout Niger Debout’’, comme si notre peuple était endormi ou à genoux », a déploré, de son côté, Balkissa Saadou, une enseignante du secondaire. Et Malheureusement même dans « L’honneur de la patrie », j’ai constaté le retour du mot « debout » dans le même sens, au niveau du premier vers de la dernière strophe (ndlr : ‘’Pour ces nobles idéaux debout et en avant’’).
« Même si ‘’L’hymne de la République’’ est loin d’être parfait, il matérialise déjà l’émergence d’une conscience patriotique généralisée au Niger »
L’idée de remplacer « La nigérienne » par un hymne plus authentique et adapté aux aspirations patriotiques du peuple, a été favorablement accueillie par l’ensemble des nigériens. Les autorités se sont ainsi attelés à la tâche et ont, depuis 2019, mis en place, à cet effet, un comité d’experts dont les travaux ont permis de proposer « L’honneur de la patrie » pour être désormais chanté à la place de la « Nigérienne ». Cependant, les avis divergent sur plusieurs aspects du nouvel hymne dont le pays vient de se doter. « Je m’attendais à un hymne qui résonne comme un tambour guerrier pour constamment mobiliser les nigériens autour des nobles causes de la patrie, mais le texte est un peu ordinaire à mon goût, néanmoins il insiste un peu sur l’unité des nigériens, la référence à nos propres valeurs et l’appartenance à l’Afrique ; ce n’est pas rien », a avancé Idrissa Alhousseini, un étudiant.
« Personnellement, j’apprécie le message contenue dans l’hymne de la République ainsi que la musique qui l’accompagne, cependant, du point de vue artistique, le nouvel hymne ne fait pas le poids par rapport à l’ancien », a, pour sa part, souligné Abdoulaye Amadou, un enseignant du secondaire. « C’est un aspect non moins important dans un hymne car une bonne consonance des mots et la mélodie des rimes auraient pu faciliter sa mémorisation pour les enfants », a-t-il poursuivi. En effet, selon l’enseignant du secondaire, il s’agit d’un message patriotique à apprendre aux générations présentes et à venir, ainsi la consonance et les rimes sont fortement nécessaires dans ce texte qui se veut intemporel. « Les versets coraniques, les textes des grands auteurs et nos meilleures chansons populaires s’illustrent non seulement par la pertinence du message, mais aussi par la beauté et la musicalité du texte », a-t-il illustré.
Quant à Moussa Ada, un fonctionnaire à la retraite, il a estimé que plus de 60 ans après, c’est normal que les nigériens songent à élaborer eux-mêmes le texte et la mélodie de leur hymne. « L’œuvre peut ne pas satisfaire tout le monde, mais le changement de l’hymne hérité de la colonisation constitue l’un des pas les plus souverains dans l’évolution de la Nation », a avancé le fonctionnaire à la retraite. « A mon avis, même si ‘’L’hymne de la République ‘’est loin d’être parfait, il matérialise déjà l’émergence d’une conscience patriotique généralisée au Niger », a-t-il conclu.
Boubacar Hamani LONTO